Etudier la contamination chimique sur des prélèvements de grands dauphins morts présente quelques avantages indéniables : les échantillons collectés sont à la fois plus importants en quantité et plus varié que ceux obtenus au moyen des biopsies. Ils ne se limitent pas seulement au lard et à la peau de l’animal, mais permettent d’accéder à d’autres organes, tels que le foie, le muscle et les reins. Ainsi, les tissus biologiques prélevés sur des animaux morts permettent, s’ils sont de bonne qualité, d’analyser un plus grand nombre de polluants.
Le GECC a donc analysé les niveaux de contamination chimique chez les grands dauphins échoués de la mer de la Manche. Ce nouveau rapport porte sur 16 individus échoués entre 1999 et 2015 collectés et conservés par le Réseau National Echouage (RNE). Grâce aux différents tissus prélevés, il a été possible d’analyser un panel de 93 contaminants allant des polluants historiques bien connus que sont les POP et les éléments métalliques, aux polluants dits émergents, parce que nouvellement recherchés dans l’environnement, comme les phtalates, les composés perfluorés, le Bisphénol A ou les organoétains.
Les résultats obtenus confirment la forte accumulation des POP chez les grands dauphins de la zone, et plus précisément des PCB dont les concentrations sont, une fois encore, largement supérieures à tous les seuils de toxicité établis dans la littérature.
Quant aux concentrations en mercure, elles dépassent également les valeurs seuils de toxicité et demeurent inquiétantes pour les grands dauphins du golfe normand-breton, en particulier pour les jeunes dont les capacités de détoxification sont plus limitées que les adultes. Les concentrations des autres éléments métalliques toxiques, à l’exemple du cadmium, de l’argent et du plomb, sont faibles.
Même chose pour le bisphénol A (plastifiant), peu présent dans les tissus étudiés et qui ne semble pas s’accumuler chez les grands dauphins. Les analyses font également état de faibles concentrations en organoétains, ce qui confirme le déclin de ces composés sur le littoral normand. Ce constat prouve l’efficacité des dispositions réglementaires mises en place pour l’usage des organoétains en France et en Europe.
Si ce travail apporte de nouvelles informations pour la conservation des grands dauphins en mer de la Manche, la préservation du milieu marin et la santé humaine, il ne répond pas, en revanche, à la question des effets toxiques chez ces animaux et peine à cerner les sources de cette pollution. Pour ce faire, il conviendrait de mieux connaître les déplacements des grands dauphins, ainsi que les migrations de leurs proies, entre l’estuaire de la Seine et l’ouest Cotentin.
L’étude de la contamination chimique chez les mammifères marins en mer de la Manche initiée par le GECC, en collaboration avec l’AESN, s’achève, pour l’instant du moins, car il reste encore beaucoup de questions en suspens, beaucoup de recherches à réaliser et de nouvelles études à mettre en place dans un avenir que nous espérons proche !