La photo-identification

  • 19 octobre 2017
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La photo-identification est une méthode qui permet d’identifier les animaux à partir de leurs marques naturelles. Elle consiste en l’étude minutieuse des photographies prises sur le terrain pour repérer les différences et reconnaître ainsi chaque individu observé.

La photo-identification est une étape incontournable dans le suivi d’une population de dauphins. Grâce à elle, il devient possible d’accéder aux paramètres démographiques (nombre d’individus, taux de survie, taux de naissances…) et de signaler rapidement tous les changements susceptibles de survenir dans la population (naissances, morts, maladies…).

La photo-identification appliquée aux grands dauphins de la mer de la Manche

Chez les grands dauphins, chaque aileron est unique : plus ou moins marqué, griffé et dépigmenté selon les individus, il est le seul moyen dont nous disposons pour différentier les animaux entre eux. Il existe cependant une difficulté de taille : ces marques ne cessent d’évoluer dans le temps. Ainsi, lorsque le grand dauphin est jeune, son aileron est complètement lisse. Puis, avec l’âge, il se couvre de marques telles que :

  • des griffures, parfois symétriques, dues sans doute à des traces de dents,
  • des encoches, c’est-à-dire des entailles plus ou moins profondes, sans doute des morsures,
  • des décolorations de la peau qui, lorsqu’elles cicatrisent, laissent des traces blanchâtres.

C’est pourquoi, lors de ses sorties en mer, le GECC photographie minutieusement les ailerons et, lorsque c’est possible, le dos des grands dauphins qu’il rencontre. Une fois le travail de terrain terminé, les photographies sont triées et seules celles de bonne qualité et jugées exploitables pour la photo-identification sont conservées. Les images retenues sont alors analysées une à une et aileron par aileron.

La photo-identification consiste à étudier chaque cliché d’aileron pour déterminer à quel individu il appartient, un peu comme un jeu de Memory grandeur nature. C’est une opération longue et fastidieuse, mais essentielle pour le suivi de la population.

Ci-dessous, exemple d’un aileron qui évolue au fil des ans. A gauche, l’individu observé est un sub-adulte, il n’y a aucune encoche sur l’aileron. Sur la photo du milieu, on constate l’apparition de deux encoches. Sur la photo de droite, l’individu est accompagné d’un jeune. On peut en déduire qu’il s’agit d’une femelle adulte.

Ci-dessous, exemple de l’évolution de l’aileron d’un grand dauphin adulte. Sur la photo de droite, on remarque la présence d’encoches sur le haut de l’aileron qui permettent l’identification e l’individu, et l’apparition d’une nouvelle encoche au bas de l’aileron.

Le catalogue, un outil indispensable

Le catalogue du GECC est  une sorte de« trombinoscope » qui recense tous les ailerons des grands dauphins rencontrés en Mer de la Manche depuis 2004. Chaque dauphin observé ne serait-ce qu’une seule fois dans cette zone est ajouté au catalogue et se voit attribuer un numéro d’identification.

Le catalogue comprend les individus marqués de la population, à savoir ceux qui ont suffisamment de griffures, d’encoches ou de décolorations pour être identifiables. Un grand dauphin dont l’aileron est totalement lisse ne pourra figurer au catalogue car il est impossible à reconnaître.

Quand le travail de photo-identification démarre, les ailerons photographiés sont systématiquement comparés à ceux du catalogue. Si, après avoir passé plusieurs fois le catalogue en revue, on constate que l’individu recherché ne s’y trouve pas, on l’intègre au catalogue en lui attribuant un numéro.

A ce jour, le catalogue du GECC comprend plus de 1000 individus, mais ATTENTION, ce chiffre ne correspond en aucun cas au nombre total des grands dauphins sédentaires qui vivent en Mer de la Manche. Le catalogue, en effet, contient des inexactitudes et de nombreux doublons : c’est un outil important pour le suivi de la population mais imprécis et en constante évolution.

Exemples de grands dauphins versés au catalogue du GECC

Les critères de détermination

Pour identifier un dauphin, rien de plus difficile pour les yeux et le moral que de faire défiler des centaines et des centaines d’ailerons sur un écran. La base de données permet cependant de sélectionner un ou plusieurs critères de détermination pour affiner la recherche. Il devient alors possible de  comparer l’aileron photographié avec un nombre restreint d’individus du catalogue et de gagner ainsi un temps précieux.

Les critères de détermination proposés sont, par exemple :

  • l’aileron présente-t-il une ou plusieurs encoches?
  • où ces dernières se situent-elles sur l’aileron : sont-elles plutôt placées sur le haut ou sur le bas de l’aileron?
  • quel est le côté de l’aileron photographié?
  • quel est le niveau de griffure et de décoloration de l’aileron?

Pour aller plus loin…

L’observation minutieuse des photographies d’ailerons permet d’aller plus loin et de prendre en compte d’autres paramètres, tels que les associations entre certains individus de la population.

Exemple d’association d’une mère et de son jeune. On observe une dépigmentation sur le rostre du jeune. Photographie GECC

On note en effet sur certaines photos l’existence d’associations particulières. Une association se définit par une très grande proximité : les individus concernés nagent corps contre corps, dans la même direction, sans qu’il soit possible qu’un autre animal s’immisce entre eux. Ce type d’associations concerne le plus souvent une mère et son jeune. Cette information va permettre d’identifier avec précision les femelles et de suivre les naissances au sein de la population.

2017 : un nouvel outil pour la photo-id du GECC

En 2017 le GECC a développé, avec le prestataire ALTITUDE CREATION et  grâce au soutien financier de MAAF Assurances SA et de l’Agence Française pour la Biodiversité (AFB), un outil à la pointe de la technologie numérique pour l’aider dans son travail de photo-identification.  Ce nouvel outil propose des avancées notables dans ce domaine, telles que :

  1. Une base de données avec une importante capacité de stockage qui permet d’archiver et de sauvegarder en toute sécurité les données de terrain. A titre d’exemple, le GECC possède à ce jour plus de 100 000 images d’ailerons dans cette base de données dont l’espace est loin d’être entamé. Cette fonctionnalité signe définitivement la fin des fichiers Excel disséminés un peu partout, ainsi que des sauvegardes interminables sur DVD et disques durs externes!
  2. Un outil d’aide à la gestion du catalogue. Comme expliqué plus haut, le catalogue est le nerf de la guerre en matière de photo-identification, parce qu’il recense tous les individus de la population ET qu’il retrace leur évolution dans le temps. Pour un seul individu, l’on peut donc avoir plusieurs photographies qui témoignent des nouvelles marques apparues sur son aileron. Le nouvel outil numérique du GECC permet de gérer un catalogue en constante évolution et d’effectuer la photo-identification avec les images les plus récentes pour chaque individu.
  3. Un outil d’aide à l’identification des individus. Le GECC effectue une photo-identification manuelle, c’est-à-dire sans algorithmes pour aider à la reconnaissance des ailerons. Ce nouvel outil numérique propose toutefois un plus grand nombre de critères de détermination pour gagner du temps tout en réduisant considérablement les risques d’erreur d’identification.

Dans une volonté de partage et de mutualisation des connaissances et des compétences, le GECC l’ouvre à toutes les structures naturalistes qui travaillent sur la photo-identifications des cétacés et des phoques. Ces dernières peuvent avoir leur propre espace de travail et accéder à un catalogue unique. Concernant le suivi des grands dauphins, cette fusion des catalogues entre différentes populations a permis de repérer une femelle observée à la fois à Chausey et à Molène, un cas très intéressant!

Le nouvel outil de photo-identification est disponible sur la plateforme collaborative OBSenMER.

S’il vous intéresse, contactez le GECC  pour créer votre espace et réaliser une rapide séance de formation.

Pour en savoir plus

François GALLY, 2014. Suivi de la population des grands dauphins sédentaires du golfe normand-breton et de la baie de Seine. Rapport de synthèse du GECC pour l’année 2013. 103 p.

Manoëlle CHAUVEAU, Louiselle de RIEDMATTEN et François GALLY, 2014. La photo-identification de la population des grands dauphins (Tursiops truncatus) dans le golfe normand-breton, année 2012. Rapport de synthèse du GECC. 17 p.